Aujourd’hui, on célèbre ses 50 ans d’indépendance. Aujourd’hui, je pleure les 50 ans d’indépendance de l’Afrique.
Parce que, c’est quoi les 50 ans d’indépendance de l’Afrique ? Je n’étais certes pas là en 1960 quand mes aïeux se battaient pour leur liberté mais je suis là aujourd’hui pour regretter leur mort. Parce qu’ils sont morts, mais qu’est-ce qui a changé en Afrique ? Pas grand chose. L’Afrique est libre mais l’Afrique est pauvre. L’Afrique est libre mais l’Afrique est endettée. L’Afrique est en guerre. L’Afrique est libre mais l’Afrique est une dictature. Je dis une parce que je pense qu’une fois que vous avez connu le fonctionnement d’un pays africain, vous comprenez le système de tous les autres.
On me dira ce n’était pas mieux sous la colonisation. Oui, je suis d’accord mais l’Afrique d’aujourd’hui me fait presque honte à se détruire toute seule. Parfois, je me demande si quelqu’un a pris la peine d’expliquer aux dirigeants la signification du mot démocratie. Juste l’étymologie, ce serait déjà un grand pas. Parce que démocratie, c’est le pouvoir du peuple. Mais parfois, je me demande s’il y a vraiment un peuple en Afrique parce qu’ils n’y a que des dirigeants pour ne pas parler de dictateurs. J’ai honte parce mes grands-parents se sont battus pour obtenir leur liberté et aujourd’hui, nous croulons sous le poids d’une dictature à peine voilée. Pouvoir des dirigeants mais aussi pouvoir des riches. Je serai pour qu’on nomme l’Afrique une oligarchie.
Parfois, je me demande si on a pris la peine de leur expliquer le sens du mot république. Juste l’étymologie. C’est la chose publique. Mais qu’est ce qui est public en Afrique en dehors de la misère ? Surtout pas les fonds. Je regrette mes grands-parents qui se sont battus il y a 50 ans pour exploiter eux-mêmes leurs terres.
Il y a encore quelques décennies, on pouvait attribuer la faute de la pauvreté de l’Afrique aux colons. Mais aujourd’hui, l’Afrique y est en grande part responsable. Parce qu’après 50 ans on est plus en phase de transition. La seule transition que je puisse admettre avoir été faite, c’est celle d’un impérialisme pour un autre. Au début, quand j’ouvrais mon journal tous les matins, j’avais espoir qu’on y parle de l’Afrique parce qu’elle fait partie du monde. Mais aujourd’hui quand j’ouvre mon journal, j’ai espoir qu’on n’y parle pas de l’Afrique parce les seuls sujets sur l’Afrique sont la guerre et la dictature. C’est ainsi que le monde entier perçoit l’Afrique, un champ de bataille. Et moi j’ai honte de cette Afrique là.
J’ai envie de crier que l’Afrique ce n’est pas que des enfants nus qui se bagarrent pour un bout de pain. Mais l’autre réalité est pire. Parce que sinon, c’est quoi l’Afrique ? Les riches qui s’enrichissent et les pauvres qui s’appauvrissent ? Les riches se moquent de la misère en l’ignorant et les pauvres sont trop occupés à chercher à se nourrir. L’Afrique est en crise mais sans possibilité de révolte…
Je me souviens qu’il y a deux ans en Afrique, les gens mourraient pour avoir osé dire non à la pauvreté. Une grève de taxi devenue une revendication publique. Le problème c’est que personne n’a le droit de ne rien réclamer. J’ai vu des êtres humains être battus à coups de matraque, être piétinés par la police parce qu’ils ont osé dire non. Je ne pense pas pouvoir un jour sortir de ma tête l’image du jeune homme qui se faisait rosser par la police et les civils pour avoir manifesté. J’ai cru voir du sang mais ma mère m’a dit d’aller à l’intérieur. Je ne pense pas qu’il y ait survécu. Oui c’est çà l’Afrique, la grande machine de répression. De cette Afrique là, moi j’ai honte.
50 ans d’indépendance de l’Afrique. Mais de qui se moque-t-on ? L’Afrique dépend toujours de l’aide extérieure. On ne peut devoir de l’argent à quelqu’un et oser lui dire non. Quand je lis les comptes-rendus des sommets internationaux, la seule mention de l’Afrique porte sur comment pouvoir l’aider. Car toute seule, l’Afrique s’écroule. Où est-donc son indépendance, à part sur le papier ? Mais on sait tous qu’en Afrique tout ce qui est sur le papier est loin de correspondre à la cruelle réalité…
